mercredi 8 juin 2016

Le Bac de philo approche !

Chers petits Terminales, vous qui, comme tous les Terminales, êtes non seulement stressés mais très en retard dans vos révisions, et pas du tout en train de travailler, voici quelques petites choses qui pourraient vous sauver la vie le jour du bac si vous avez le temps d'apprendre tout ça cette semiane bien sûr.

Je vous propose, pour plusieurs chapitres, un petit résumé des textes les plus attendus au bac. N'ayez pas peur, au bac, de prendre la dissertation : il est très facile d'atteindre la moyenne, du moment que vous ne parlez pas des extra-terrestres, de l'Euro 2016 ou de votre querelle avec le voisin. Trois idée sde réponse pour la question, définitions des termes en intro, deux ou trois arguments et quelques auteurs pour compléter (attention sur ce point : NON, vous n'aurez pas 18 sans citer le moindre philosophe ; mais "quelques" philosophes, ça peut être par exemple 3 : un seul par partie.) Malheureusement, tous les chapitres ne sont pas représentés, mais vous en avez quand même une grande palette.

Les auteurs en gras ne sont pas les plus faciles ni les plus attendus, mais ils font chic. C'est toujours bien d'être chic.

Si vous avez la moindre question, n'hésitez pas à la poser en commentaire.

La liberté

• Descartes, Méditations métaphysiques (IV) :
Descartes reconnaît dans le caractère infini de notre volonté le signe le plus évident de notre liberté : c’est parce que j’éprouve en moi une faculté de choix que rien ne contraint (ni nécessité, ni vérité) que je fais l’expérience d’une liberté inconditionnelle.
Toutefois, cette « liberté d’indifférence » (telle que je puis choisir indifféremment et sans limite une chose ou son contraire) n’est encore, comme il le souligne par la suite, que « le plus bas degré de la liberté ». Aurais-je le sentiment d’être libre uniquement parce que ma volonté est indéterminée ? Une telle « indifférence » risque de se confondre avec une simple ignorance : ma volonté demeurerait indifférente dans ses choix uniquement parce que mon savoir ne l’éclaire pas. C’est pourquoi la liberté authentique, selon Descartes, si elle suppose une volonté infinie, ne s’affirme toutefois que lorsque ma volonté est éclairée et guidée par ma connaissance.

Lettre au Père Mesland : Cette liberté que nous attribuons à notre volonté n’est-elle pas le signe de notre ignorance ? Si j’étais informé des conséquences de mon choix, ne choisirais-je pas nécessairement ce qui est le mieux pour moi ? Telle est l’objection que le père Mesland fait à Descartes.
Ce dernier commence par admettre que notre volonté est bien instruite par notre savoir et qu’il serait absurde, sachant quel est le bien, de poursuivre malgré tout un mal. Cependant, dans l’absolu, ma volonté étant totalement souveraine dans ses affirmations, je pourrais fort bien me détourner du bien et faire le choix du mal en toute connaissance de cause. Une telle thèse revient à postuler en nous une liberté infinie que rien, pas même notre connaissance ou nos désirs (notamment le désir de bonheur), ne limite. L’absurde est le privilège d’un être libre. Parce que ces choix sont, dès lors, contingents, cet être est toujours susceptible de nous surprendre et de contredire nos attentes.

• Spinoza, L’Ethique & Lettre à Schuller :
Spinoza met en question l’idée selon laquelle nos actes procéderaient en nous d’une volonté indéterminée et infinie. Au sein d’une nature où toute chose est déterminée par des causes nécessaires, l’homme serait cet être extraordinaire qui échappe à toute loi et peut agir arbitrairement. Une telle conception de la liberté n’est, pour Spinoza, qu’une illusion liée à notre conscience elle-même. En effet, parce que notre conscience nous éclaire les buts de nos actions, nous en venons à croire que ces buts sont les causes mêmes de nos actions, ignorant dès lors les causes véritables dont nos actions procèdent.
La liberté passe par la connaissance des causes qui nous déterminent : plus je saurais ce qui me fait être ce que suis, plus je pourrais, à partir de cette connaissance, trouver une position au sein de la nature conforme à ma perfection.

• Kant, Critique de la Raison Pure, « Troisième antinomie de la raison pure »
Notre pensée, quand elle affronte la question de la liberté, est confrontée à une antinomie. Deux formes de la pensée s’affrontent et s’opposent.
D’un côté, l’entendement (faculté de connaissance en nous, qui exige que tout phénomène reçoive une explication régulière selon des causes nécessaires et universelles) Pour l’entendement, admettre un principe de liberté, ce serait donner droit à un phénomène qui ferait exception à l’ordre universel et nécessaire des causes. Pour cette forme de l’esprit, la liberté est une fiction : tout ce qui est doit pouvoir s’expliquer par des causes régulières.
De l’autre côté, la raison (faculté, notamment morale, qui cherche à unifier toutes les connaissances humaines, telles qu’elles éclairent et donnent du sens au projet et aux idéaux humains) Pour la raison, il est nécessaire de reconnaître une liberté première à l’origine des actions humaines. Sans cela, ce sont toutes les valeurs humaines qui perdent leur sens. Par exemple, comment pourrait-on porter un jugement moral sur les actions d’un homme, si on ne le suppose pas libre ?
Voilà donc l’antinomie devant laquelle l’esprit se trouve quand il interroge la liberté : s’il admet la liberté en l’homme, alors pourra-t-on encore produire une explication de l’homme, en faire la science ? Si, inversement, on récuse la liberté comme une fiction, y a-t-il encore un sens à parler d’humanité, puisque toutes les valeurs qu’engage l’humanité se fondent sur l’idée que l’homme est un être libre ?


• Sartre, L’existentialisme est un humanisme :
Loin de n’engager que notre indépendance individuelle, la liberté nous renvoie à notre responsabilité face à l’humanité entière. Nos actes, justement parce que nous en faisons le choix, engagent le choix que nous faisons de la condition humaine. « Je suis responsable pour moi-même et pour tous, et je crée une certaine image de l’homme que je choisis ; en me choisissant, je choisis l’homme. » C’est pourquoi tout choix, pour Sartre, est l’expérience d’une angoisse fondamentale, non seulement parce que choisir me met face à mon destin individuel, mais aussi parce qu’en choisissant pour moi, je fais le choix d’une certaine idée de l’humanité.

La conscience

• Kant, Critique de la Raison pure :
La connaissance se construit selon les deux éléments suivants : un objet est placé devant un sujet qui le pense (cf l’étymologie du mot ob - jet, « jeté devant ») Le « je » qui pense et qui accompagne toutes mes représentations ne peut, dès lors, être lui-même objet de représentation. // • Platon, Charmide : la vision est toujours vision de quelque chose, elle ne peut être vision d’elle-même.

• Nietzsche, Par-delà le bien et le mal :
L’idée d’un « moi » auteur de lui-même n’est rien d’autre qu’une illusion grammaticale : nous disons « je pense », et nous croyons être l’auteur de nos pensées. Pourtant, nous devrions plutôt dire « ça pense » : nous avons parfois des pensées involontaires, non maîtrisées, etc.

• Foucault, Histoire de la sexualité :
L’idée d’un « moi » substantiel, permanent et invariant n’est qu’une fiction sociale : l’habitude sociale m’attribue des signes permanents (nom, prénom, numéro d’étudiant ou de sécurité sociale…) auxquels je dois m’identifier et grâce auxquels je suis reconnu par les autres. Autrement dit, je me pense « un » parce que l’existence sociale exige une telle identité.

Autrui

• Descartes, Méditations métaphysiques (II) :
L’évidence du « je pense donc je suis » est incertaine sous le regard d’une autre conscience. Pour autrui, l’expérience propre que je prends de moi-même n’est nullement apparente. Rien ne permet de nous rendre certain que les autres hommes sont conscients au même titre que nous (c’est pourquoi, se penchant par la fenêtre, Descartes songe que les hommes qu’ils croient voir ne sont peut-être que des automates). Je ne fais que supposer la conscience d’autrui, sans pouvoir garantir absolument cette analogie. Cette certitude ne peut être partagée.

• Heidegger, Etre et temps :
La relation intersubjective nous dépossède du sens de notre existence : devenant un parmi d’autres, exemplaire anonyme d’une masse anonyme, je perds le sens de ma propre existence tout comme j’ignore la singularité des autres. Notre rapport quotidien à l’autre est inauthentique : j’appréhende autrui sous la figure anonyme des « autres » et je deviens moi-même un exemplaire dans cette foule sans visage. Heidegger nomme « l’être-dans-la-moyenne » cette façon dont je finis par vivre comme « on » vit, par penser comme « on » pense, etc. Ainsi, « nous nous réjouissons comme on se réjouit ; nous lisons, voyons et jugeons en matière de littérature comme on voit et juge ; mais nous nous retirons aussi de la « grande masse » comme on s’en retire ; nous trouvons « révoltant » ce que l’on trouve révoltant ». Pourquoi chacun se réfugie ainsi dans cet « être-dans-la-moyenne » ? Parce qu’affirmer le sens singulier de notre existence suppose que nous affrontions l’angoisse de ma propre finitude : je rejoins la grande masse du « on » parce que « on » ne meurt jamais. Pour fuir cette angoisse (mais aussi cette liberté) nous nous noyons dans la masse, « l’un-parmi-les-autres. »

• Hume, Traité de la nature humaine :
Je n’éprouverais aucun plaisir si l’autre n’était pas témoin de mon plaisir. Le bonheur ne consiste pas dans la jouissance de ma puissance mais plutôt dans la reconnaissance par l’autre de cette puissance. Aurais-je les pouvoirs d’un dieu, cela ne me rendra pas pour autant plus heureux s’il n’y a pas d’autres hommes pour célébrer ma puissance ou l’envier. Nous nommons « bonheur » la façon dont les autres nous renvoient l’image de notre propre plaisir et s’en font les témoins. Tout bonheur est partagé par essence, il ne saurait y avoir de bonheur solitaire.

• Aristote, La politique :
« L’homme est un animal politique », cela signifie que l’homme est naturellement sociable, né pour vivre en communauté, et ne trouve sa perfection que dans cette relation qui l’unit aux autres. L’homme est un être qui ne se suffit pas à lui-même, il ne saurait atteindre à son bonheur propre qu’en faisant pièce avec les autres. Cette conception s’oppose à celle des sophistes, selon lesquels autrui est un obstacle à mon désir ; au mieux, il en est le moyen (mais il y a des « autres » et nous ne pouvons faire autrement que de vivre en leur compagnie, alors autant s’y habituer). Hors de la Cité, comme le souligne Aristote, l’homme est soit un monstre, soit un dieu, un être dégradé ou au-dessus de l’humanité.

Le désir

• Rousseau, La Nouvelle Héloïse :
La Nouvelle Héloïse est un roman épistolaire. Dans la lettre qui suit, Julie écrit à son ancien amant, Saint-Preux, lui confiant que le bonheur l’ennuie, qu’elle était sans doute plus heureuse quand elle attendait d’être heureuse et qu’elle ne l’était pas encore. Comment s’explique un tel paradoxe ? Rousseau met en évidence ici que le désir ne saurait être réduit à une simple privation, un simple manque : le bonheur, ainsi, n’est pas tant ce que l’on possède, ne réside pas tant dans une quelconque satisfaction, mais dans le désir même qui le poursuit. Ainsi, on peut bien dire avec Julie : « on n’est heureux qu’avant d’être heureux » si l’on prend garde au fait que le désir est à lui-même sa propre perfection et qu’un désir, tel que l’amour notamment, n’attend pas d’être satisfait ou « payé de retour » pour placer notre existence sous le signe de la Joie.
« Tant qu’on désire on peut se passer d’être heureux ; on s’attend à le devenir : si le bonheur ne vient point, l’espoir se prolonge et le charme de l’illusion dure autant que la passion qui le cause. (…)Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère et l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux (…) ; l’imagination ne pare plus rien de ce qu’on possède, l’illusion cesse où commence la jouissance. Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité, et tel est le néant des choses humaines, qu’hors l’Etre existant par lui-même il n’y a rien de beau que ce qui n’est pas ».

La vérité

• Descartes, Septièmes réponses adressées aux Méditations métaphysiques :
Descartes précise quel est le sens du doute comme instrument de recherche de la vérité. La recherche de la vérité apparaît ici inséparable de l’effort critique par lequel l’esprit fait retour sur l’ensemble des croyances dont il a hérité depuis l’enfance, afin de séparer les idées vraies des idées fausses. Il utilise une analogie : dans un panier de fruit, pour isoler les pommes saines des pommes pourries, il faut commencer par vider le panier ; de la même façon, l’esprit, en quête de vérité, doit se libérer de toutes les idées auxquelles il était attachées, les mettre toutes en doute : seront vraies celles qui résisteront à une telle épreuve.
Objections que l’on pourrait faire à Descartes : en quelle mesure notre esprit a un tel pouvoir souverain sur les idées qui le constituent ? Peut-on prendre vraiment conscience des croyances les plus enracinées en notre esprit ? En ce sens, si notre esprit est un « panier », il serait plutôt un panier sans fond, et j’épargne inconsciemment les idées auxquelles je suis le plus attaché. De plus, notre pensée peut-elle si aisément mettre à l’épreuve ses propres fondements et les évaluer librement ?

• Leibniz, Nouveaux essais sur l’entendement humain :
La démonstration mathématique témoigne d’une rigueur telle que le discours démontré tire de lui-même sa propre force et sa propre vérité. Là où l’évidence est une « hôtellerie où chacun croit pouvoir loger la vérité », qui reste ouverte à l’arbitraire des jugements, la démonstration est au contraire un « art d’infaillibilité », une technique qui nous assure de ne pas nous tromper.

• Aristote, La Métaphysique :
Exiger la démonstration des principes sur lesquels se fondent la démonstration, c’est rendre impossible toute démonstration (régression à l’infini). Cependant, si toute démonstration enveloppe des faits indémontrés (ce qui en est la condition de possibilité paradoxale), cela marque sa limite. La démonstration mathématique n’enveloppe donc pas en elle-même toutes ses preuves et sa nécessité mais demeure aveugle quant à l’essentiel : ses fondements mêmes.
(Dans l’antiquité, défi des sceptiques : le Trilemme d’Agrippa. Toute entreprise de connaissance se heurte à une triple aporie :
- La régression à l’infini : vouloir absolument tout démontrer mais ne jamais trouver de fin.
- La pétition de principe : poser arbitrairement un principe non démontré comme évident.
- Le diallèle, ou cercle vicieux : on prouve une proposition par une autre, elle-même prouvée par la première.)

• Kant, Critique de la raison pure :
La logique est une condition négative de vérité : un discours ne peut être vrai s’il ne répond pas aux exigences logiques (principes d’identité et de non-contradiction), mais l’absence de contradiction seule ne prouve pas qu’un discours est vrai. « Aucune pierre de touche ne lui permet de découvrir l’erreur qui atteint non la forme, mais le contenu. » Par exemple, la proposition suivante : « Si la grand-mère de Napoléon n’avait pas mangé son chapeau, le Mont Blanc se serait écroulé en 1987 » (cet exemple n’est évidemment pas de Kant, mais de moi…) : cette proposition ne recouvre aucune contradiction logique, et pourtant il est évident qu’elle n’a aucune valeur de vérité.

• Alain Badiou, L’Etre et l’évènement :
Sans doute faut-il distinguer les savoirs et la vérité. Un savoir est un répertoire de connaissances, une somme qui dresse le bilan de toutes les réponses que l’on possède. Une vérité, au contraire, fait éclater toute question et provoque une « trouée » dans les savoirs établis. Le savoir veut une réponse, il met en place des contenus, là où la vérité veut la question, elle est une ouverture qui bouscule l’évident ou le familier. La quête de la vérité n’est donc jamais achevée.

Raison et réel

• Whitehead, Procès et réalité :
L’idée d’une expérience immédiate du réel, telle que le monde se découvrirait à nous selon des faits bruts, non interprétés, est une pure et simple fiction. Toute perception est une pensée et une intelligence du réel et non le simple constat des qualités sensibles d’une chose. Tout objet est la synthèse d’informations hétérogènes, synthèse que produit notre conscience. En ce sens, les qualités sensibles que nous percevons se voient attribuer une signification par contraste (je ne saurais par exemple voir du rouge si je ne faisais pas la différence avec du bleu, du jaune, etc.)

• Kant, Critique de la Raison pure :
L’expérience est le point d’appui de toute science. Si « les intuitions sans les concepts sont aveugles » (autrement dit, si l’expérience ne nous dit le pourquoi de rien et qu’il faut bien un effort intellectuel supplémentaire pour expliquer un phénomène), « des pensées sans matière sont vides » (une science qui n’a pas l’expérience comme objet n’aurait aucun sens). On ne peut parler de connaissance que dans le rapport entre l’intuition et le concept.

• Husserl, Krisis (Titre complet : La Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale) :
La science moderne a la qualité d’être très exacte dans sa démarche et ses mesures, elle est très performante, mais du même coup abandonne ce qui devrait être le premier objet de notre inquiétude, le sens humain de notre expérience. Elle ne tient plus compte de la teneur sensible du l’expérience.

La religion

• Kant, Critique de la Raison pure, « Canon de la Raison pure » :
On peut distinguer trois formes de croyance :
- Opinion : la certitude que j’éprouve n’est pas fondée sur des preuves objectives et j’ai conscience de sa fragilité.
- Science : la certitude que j’éprouve est d’autant plus forte qu’elle est fondée sur des preuves objectivement valables.
- Foi : la croyance est suffisante sur un plan subjectif (certitude) mais insuffisante sur un plan objectif (elle n’est pas accompagnée de preuves)

• Kant, Critique de la raison pratique :
La théologie ne saurait valoir à titre de science, mais ce n’est pas une simple illusion : elle exprime un espoir moral. Sans l’idée de Dieu et d’un sens ultime du monde, c’est notre existence qui risque de perdre son sens.

L’art

• Platon, La République (X) :
Platon reproche aux œuvres d’art de n’être, la plupart du temps, qu’un simple jeu d’illusions. Prenant l’exemple d’un lit, il distingue trois formes de présence selon leur degré de vérité : la première est l’Idée du lit, son essence même et sa vérité substantielle ; la deuxième est la production de l’artisan qui, s’il ne produit qu’un lit parmi d’autres, doit bien prendre pour modèle l’essence du lit, s’il veut fabriquer un objet dont on puisse faire usage ; la troisième est l’imitation du peintre qui est au plus loin de la vérité du lit car il ne cherche qu’à donner l’illusion d’une présence et donc ne s’attache qu’à l’apparence des choses, ce qui est en elle le plus superficiel. Partant, l’artiste ne fait que produire des simulacres, sans souci de la vérité de ce qui est. Cet illusionniste, comme tout sophiste, substitue à l’essence des choses leur image fantomatique, uniquement destinée à flatter les sens.

• Kant, Critique de la faculté de juger :
- La beauté est « sans intérêt » (elle n’apporte aucun bien moral ou matériel), « sans concept » (je ne puis enfermer la beauté dans un concept), « sans la représentation d’une fin » (je ne peux réduire le beau à une norme ou un idéal unique.)
- Distinction entre la connaissance, l’Idée esthétique et l’Idée de la Raison : la connaissance est l’unité parfaite entre un concept et une intuition ; l’Idée de la Raison est un concept qui ne se rapporte à aucune donnée sensible (Dieu, âme, monde) ; l’Idée esthétique est un excès d’intuition qui donne trop à penser et ne peut se laisser enfermer dans un concept.

• Heidegger, La question de la technique :
On peut distinguer deux types de rapport à l’Etre : la production et la provocation. La provocation (pro – vocare : appeler devant soi) est le rapport à l’Etre qu’entretient la technique et la science : c’est contraindre une chose à paraître à la manière dont nous la requérons. La production consiste à faire venir quelque chose à la présence, le laisser s’avancer et se dévoiler par lui-même, ce qui suppose que l’on se rende soi-même libre pour accueillir une telle présence.

La technique

• Platon, Protagoras :
(Mythe de Prométhée) L’homme est complètement nu, il lui appartient donc de se conquérir : telle est la signification du geste héroïque de Prométhée qui va voler aux dieux le feu et la technique. Cependant, la technique est présentée comme un vol, ce qui pose la question de la responsabilité de l’homme face à l’ordre naturel.
Par ailleurs, une fois qu’ils ont la technique, les hommes s’entretuent, et Zeus pris de pitié leur donne en plus la retenue et la justice : la technique doit s’accompagner d’une réflexion sur le sens de la vie humaine.
Timée & Critias : (Mythe d’Atlantide) L’Atlantide est une société extrêmement civilisée avec des moyens techniques très avancés, ingénieuse et performante, mais elle finit par disparaitre sous les mers, en dépit de ses richesses et de ses techniques, à cause de l’absence de politique véritable capable de donner une signification proprement humaine à ses productions. Ainsi, nulle technique n’est le signe d’un progrès mais elle ne le devient que si elle est éclairée par une politique qui la tourne vers son meilleur usage possible.

• Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne :
Différence entre l’outil et la machine : l’ouvrier se sert de l’outil, il s’adapte à la machine. La machine n’émancipe pas les hommes de la nécessité mais c’est l’instrument de la dépossession de l’homme de son activité.

• Aristote, La physique :
Toute technique est un « pharmakon », c’est-à-dire ce qui peut être un remède ou un poison. Distinction entre les « puissances rationnelles » et les « puissances irrationnelles ». Les « puissances irrationnelles » sont les puissances d’un seul et unique effet (le feu ne peut faire autre chose que chauffer). Les « puissances rationnelles » peuvent avoir des effets contraires (en médecine, la même potion peut être remède ou poison selon son usage). La contingence de na technique ne fait donc que renvoyer à sa nécessaire détermination par la raison.

Le travail

• Aristote :
Le travail en tant que nécessité et production de biens nécessaires à la vie est l’activité la plus pauvre et la moins noble. Aristote distingue trois type d’activités : la théôria (contemplation, qui est l’activité de la connaissance et de l’observation du monde), la praxis (action, activité que l’on ne poursuit qu’en vue d’elle-même – « Danser, c’est n’aller nulle part » comme disait Paul Valéry), la poiêsis (travail, activité que l’on poursuit en vue d’une fin autre que l’activité elle-même, satisfaire le besoin).

• Hegel, La phénoménologie de l’Esprit :
L’essence de l’homme est en jeu dans le travail. Le travail est l’actualisation de mon identité. Le travail est l’acte par lequel la conscience s’extrait du « mauvais infini » de la Belle Âme (cette conscience qui se maintient dans l’abstraction des possibles sans jamais chercher à prendre une forme objective, à se déterminer pour un de ces possibles) Mon œuvre est mon expression et, de ce fait, je donne forme à ce que je suis. Le travail concrétise ainsi mes possibilités et la jouissance que je peux éprouver dans la contemplation de ma propre œuvre est inséparable de cet accomplissement de mon identité dans cette œuvre et par cette œuvre. Il ne saurait y avoir de conscience de soi véritable dans cette activité dans laquelle je m’apparais à moi-même. 

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